CRYSTALLUM IN VIA
« — Vous piquez ma curiosité... Voyons, qu’entendez-vous par géode?
— Nous entendons par géode, en minéralogie, toute pierre creuse dont l’intérieur est tapissé de cristaux ou d’incrustations, et nous appelons pierre géodique tout minéral qui présente à l’intérieur ces vides ou petites cavernes que vous pouvez remarquer dans celle-ci. Il me donna une loupe, et je reconnus que ces vides représentaient, en effet, des grottes mystérieuses toutes revêtues de stalactites d’un éclat extraordinaire ; puis, considérant l’ensemble de la géode et plusieurs autres que me présenta le marchand, j’y vis des particularités de forme et de couleur qui, agrandies par l’imagination, composaient des sites alpestres, de profonds ravins, des montagnes grandioses, des glaciers, tout ce qui constitue un tableau imposant et sublime de la nature.»
George Sand, Laura, voyage dans le cristal.
conception et réalisation
atelier supercocotte
FACM au Jardin Alpin, Meyrin - 2017
CRYSTALLUM IN VIA
Le chemin du cristal de l’Atelier Supercocotte quitte le règne organique, animal ou végétal, pour le minéral. Plutôt que l’extérieur, elle choisissent l’infra : l’intérieur des roches, le rarement visible, le micro.
Dans le «macro» du parc, posé sur l’herbe, un toit pentu caractérise les constructions de montagne : le refuge. Celui-ci, de la taille d’une tente, proportionnel au petit massif de rocailles reconstitué dans cette partie du Jardin botanique alpin de Meyrin, s’inscrit dans le vernaculaire des Alpes et du Jura. Les prises de grimpe ajoutées en font un mini terrain d’alpinisme, et permettent la découverte d’autres points de vue.
La construction, simple et graphique, contraste avec la concrétion volcanique baroque, en mousse polyuréthane expansée et mortier sur grillage, qui la porte. Un décor «carton-pâte» de théâtre du XIXe siècle, dans une scénographie identique au jardin. Le jeu, l’ornement et la curiosité scientifique en minéralogie caractérisent toutes les oeuvres en trompe-l’oeil du collectif.
L’habitat est-il aussi troglodyte ? On change de dimension quand le regard descend sous terre par l’excavation centrale. Sans pouvoir y pénétrer, une scintillante caverne nous plonge cependant dans des profondeurs et ramifications. De fabuleux cristaux tapissent la cavité : minéraux étranges, variétés de gemmes, pierres précieuses, sélénites, quartz, gypse ; un monde en soi dévoilé, une terre inconnue. La croissance d'un cristal se fait par accrétion autour d'un germe avec l’eau souterraine. Le choix de l’emplacement de l’oeuvre s’imposait à proximité de la «fausse» chute d’eau et ses rocailles de ciment.
Le vrai du faux ne se distinguent jamais dans les installations du collectif : les structures en polyèdre sont de vrais cristaux qu’elles ont fait pousser, en alun de potassium dans l’eau, ou des quartz transparents qui ont demandés de longues recherches ; mais également des espèces en glycérine (du savon), en céramique, en émaux, et en plasticine. Un éclectisme fidèle à l’idée de collection végétale à l’origine du Jardin botanique alpin.
Cet art du factice travaille toujours la métamorphose et l’animation des objets par leur mise-en-lumière. La fibre optique renforce ici les merveilleux scintillements des composés cristallins.
Avec les sports de loisirs et de sensation, et notre goût du paysage panoramique, nés tous deux au xixe siècle, sont souvent oubliés les trésors qu’un massif ou une pierre recèlent. Dans un voyage sans bouger, l’Atelier Supercocotte nous promènent à l’intérieur des magmas et sédiments, et révèlent les transformations qui peuvent s’opérer par la manière d’observer et le conditionnement de notre regard.
Allègrement, elles jouent avec le rare, le précieux, toujours dans un bluff hypnotique qui moque le fétiche de l’objet, le goût du faux aussi, de notre société. Elles singent la recherche des bienfaits minéralogiques, de la lampe de sel aux cristaux surnaturels. Un kitsch New Age psychédélique qu’elles maîtrisent parfaitement. Jubilatoire !
Cyril Macq, médiateur culturel FACM